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T2 Trainspotting

Par souci, disons, "d’honnêteté intellectuelle" (quels vilains mots en ces temps troubles où la probité ressemble davantage à un bon doigt dans le cul), et histoire de ne pas, vingt ans après, être totalement largué par rapport à l’intrigue, tu as revu il y a peu le premier Trainspotting, genre pour rester dans le coup, genre pour être à la page. Tu l’avais vu à l’époque, en 1996, et ça t’avait électrisé, y’avait alors un côté rentre-dedans, presque novateur, un côté subversion pour les nuls. T’avais dû le revoir une fois des années plus tard, et puis ensuite plus rien. Donc là, concrètement, ça faisait au moins quinze ans que tu n’avais pas remis les yeux dessus.

Et… comment dire, soit le film a pris un sacré coup de vieux (ça arrive, les films qui vieillissent mal), soit c’est toi qui est devenu un sacré vieux con (ça arrive aussi, souvent, tu t’en rends compte maintenant, et tu pleures). Certes, il reste la scène des chiottes et celle du drap plein de merde, il reste Robert Carlyle en psychopathe psychotique et des frissons quand résonne Born slippy d’Underworld. Mais quand même, à part ces quelques instants de bonheur diffus et lointain, le film souffre d’effets datés et tape-à-l’œil, et d’un scénario à la traîne. Malheur ! Le culte s’est émoussé, la magie n’opère plus, la vie est dure et le sans gluten c’est chiant.

Il y a vingt ans donc, Renton se barrait avec un gros magot à la barbe et l’aiguille de ses trois amis, Spud, Sick Boy et Begbie. C’est désormais l’heure de la revanche. C’est l’heure de faire les comptes et le bilan, pas fameux. Les années ont passé, les échecs sont là, les regrets et les rancœurs aussi. C’est la descente. Fini les conneries, les shoots à la chaîne et le no future (ça faisait tellement rebelle… Mais on est forcément un peu rebelle, à vingt ans. À quarante, on rentre dans le rang, on est monsieur Tout-le-monde). Tous les éléments emblématiques de Trainspotting sont évidemment au rendez-vous (faudrait ne pas trop énerver la fan base), mais comme détournés, d’une saveur plus aigre.

Musique remixée ou stoppée brusquement, toilette WC servant d’arme (et non plus d’accessoire pour une fameuse séquence de trip craspec), ex perdue derrière les vitres de grands bureaux (seul personnage féminin de Trainspotting, remplacée ici par une slovène insipide), et surtout la célèbre tirade du "Choose life" qui vire à la diatribe contre une société qu’on ne rejette plus, mais qui vous rejette. Il y a une espèce de joie bâtarde et vile à retrouver nos quatre compères bouffés par les années, la bière et l’héro, mais on sent que le cœur n’y est pas, de toute part. Cet aspect nostalgie et lendemains qui déchantent, qui fait pourtant tout le sel de la manœuvre, est sans cesse laminé par une mise en scène en roue libre (mais c’est quoi ces plans penchés en permanence, Danny ?) qui semble trahir chez Boyle une volonté de j’m’en-foutisme et/ou de manque d’inspiration.

De fait, enjeux et personnages sont englués dans un gloubi-boulga visuel du plus mauvais goût (l’emploi des couleurs est ici effroyable, alors qu’il fonctionnait à merveille dans Trance et Steve Jobs). Il faut évoquer aussi ces multiples arcs narratifs qui s’empilent sans mener à rien (ou pas grand-chose) et viennent brouiller le fil conducteur du film (qui se suffisait à lui-même, montrant d’anciens amis tenter de renouer des liens, faire avec leurs illusions, leurs regrets et leurs erreurs) en d’inutiles embardées. S’il y a finalement une chose dont on peut être absolument sûr face à ce T2 Trainspotting ingrat, c’est qu’il n’est plus besoin d’attendre deux décennies pour s’en rendre compte : ce film est déjà daté.


Danny Boyle sur SEUIL CRITIQUE(S) : Sunshine, Slumdog millionaire, 127 heures, Trance, Steve Jobs.

T2 Trainspotting
Tag(s) : #Films

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